Nous définirons ici l’apprentissage comme un processus d’acquisition de savoirs, de connaissances, de savoir-faire.
Mais également une démarche continue de perfectionnement qui passe par la capacité à identifier les erreurs.
Un processus perpétuel, comme la marée, à chaque nouvelle journée son lot d’apprentissages.
Pourtant, comme le rappelait Wendell Berry, l’acquisition de la connaissance implique toujours la révélation de l’ignorance.
« Le monde n’est pas un continent solide de faits parsemé de quelques lacs d’incertitudes, mais un vaste océan d’incertitudes moucheté de quelques îlots de savoirs calibrés et stabilisés. » Bruno Latour
L’enjeu ne consiste pas ainsi à s’évertuer à distinguer le propre impact d’un projet ou d’une intervention dans un espace traversé par des initiatives multiples aux effets multi-directionnels.
Mais bien d’exposer les contextes de départs, les variations le long du chemin et les contextes d’arrivée. Qu’est-ce qu’on ignore encore au moment de se lancer dans une nouvelle intervention ? Qu’est-ce qu’on ignore au fil de l’action ? Quelles sont les incertitudes qui n’auront jamais été soulevées au moment de la clôture ?
Une des conditions pour qu’un processus d’apprentissage se déclenche est la présence d’un « stimulus » dans l’environnement, tout évènement extérieur susceptible de provoquer une réaction, une réflexion. L’autre condition néanmoins est de se positionner en tant que récepteur : être en alerte, en capacité d’écoute, ouvert à l’apprentissage.
Un veille opérationnelle rigoureuse conditionne ainsi les opportunités d’apprentissage. Mais encore l’appréciation en temps réel des vents contraires.
L’apprentissage forme ainsi une boucle au service de l’éclairage permanent des contextes d’intervention.
Un écosystème d’apprentissage
L’écosystème d’apprentissage revêt une multitude de dimensions. Comme tout système, une seule faille risque de compromettre l’ensemble des éléments, le fonctionnement dans son ensemble. A minima de restreindre le potentiel d’apprentissage.
Une dimension spatiale
L’apprentissage dispose d’un lieu physique et virtuel dans l’institution. Un centre de ressources, une bibliothèque, une médiathèque, des salles de réunion, de formation… Et son reflet virtuel. Ressources en ligne, plateforme d’échanges de savoirs, publications, archives, rapports clés,…
Au coeur : la mémoire interne de l’institution.
Une dimension culturelle et organisationnelle
La gouvernance institutionnelle intègre l’apprentissage comme valeur phare. L’encadrement valorise, encourage et ancre une culture de l’apprentissage. La parole est libre et fluide, l’analyse et le partage des connaissances est intégré dans les fonctionnements des plus quotidiens aux plus stratégiques.
L’apprentissage est intégré à l’organigramme : dispose de son propre pôle ou au sein de département évaluation et recherche.
Une dimension manageriale et de gestion des carrières
L’encadrement possède un rôle pivot pour faire vivre cette mise en valeur de l’apprentissage. Mais au delà, il s’agit de la symbiose entre les unités/fonctions d’évaluation et celles de gestion des ressources humaines. L’accompagnement des parcours de montée en compétences s’appuie sur les éclairages apportés par le système de suivi et évaluation.
Une dimension individuelle et collective
L’apprentissage collectif se fonde sur les apports individuels. L’organisation est ainsi responsable de générer ce cycle permettant de détection, extraction, consolidation des apprentissages individuels afin de les réinjecter auprès des autres membres d’équipes. Individuel est ici entendu dans le sens d’unité, il peut s’agir d’un apprentissage au niveau d’un poste, d’un projet, d’un département qui sera consolidé puis mise à disposition de l’ensemble plus vaste que constitue l’organisation.
Une dimension tacite et explicite
Certaines connaissances ou savoir-faire sont explicites (exprimées, documentées, transférables oralement ou via un support écrit) et d’autres implicites (non formalisées, transmises par observation, socialisation, culture interne) : l’enjeu va ainsi être non seulement de transformer le tacite en explicite mais encore de détecter au plus tôt l’apparition de connaissances tacites. C’est à dire toute forme d’apprentissage qui s’opère à l’insu de son sujet, toute modification de comportement inconscient par imitation ou par réaction à un stimuli extérieur.
Une dimension partenariale
La dimension partenariale s’opère sur des niveaux multiples : tout d’abord en interne au sein de chaque équipe puis entre unités, pôles et départements. Celle-ci intègre partage d’information, disponibilité, accompagnement. Mais également en externe avec une collaboration avec les unités SEA d’organisations partenaires. Enfin, un usage de la recherche tout au long du cycle de projets via un partenariat avec des laboratoires et des accès aux données et aux terrains d’intervention. Cette coopération avec l’université intègre une dimension métier également via un retour de terrain des professionnels expérimentés vers les étudiants en formation initiale.
Une dimension technique
Enfin une dimension technique avec la mise en place d’outils, de process, de méthodes… Des outils qui vont venir s’incorporer sur chacune des dimensions mais également au sein des diverses strates de l’organisation.
EVAL | Management | |
Dimension spaciale | Communautés de pratiques, centres de ressources physiques/virtuels | |
Dimension organisationnelle | Plan d’apprentissage, stratégie d’apprentissage | |
Dimension tacite/explicite | Manuel, guide, process | |
Dimension individuelle/collective | RETEX, témoignage | Plan de développement des compétences, référentiels de compétences, entretiens de départ, entretien de fin de mission |
Dimension partenariale | Convention, recherche-action |

Ressources
- Devenir une organisation apprenante et axée sur les données, exemple CORDAID, OCDE, 2022
- Dossier spécial gestion des connaissances, LUXDEV, 2016
- Putting learning at the centre: adaptive development programming in practice, Research reports, Craig Valters, Clare Cummings, Hamish Nixon, ODI, 2016
- Becoming a knowledge sharing organization, a handbook for scaling up solutions through knowledge capturing and sharing, Steffen Soulejman Janus, World Bank, 2016
- Lessons learned workshop guide, ICRC, 2014
- Learning lessons in ADB, Asian Development Bank, 2007
- A Guide to Capturing Lessons Learned, Mark White and Alison Cohan, the nature conservancy
- Lessons Learned from Evaluation – A Platform for Sharing Knowledge, M. J. Spilsbury, C. Perch, S. Norgbey, G. Rauniyar and C. Battaglino, UNEP, 2007
- Evaluations marquantes : des évaluations qui ont contribué à améliorer les résultats et l’impact des programmes de développement, études de cas et leçons apprises– Banque Mondiale, 2004
Articles
- Apprentissage et systémique, une perspective intégrée, Charlotte Fillol, Revue Française de Gestion, 2004
Ouvrages
- La cinquième discipline, levier des organisations apprenantes, Peter Senge, 2015
Date de diffusion : 2023