Un environnement propice à l’évaluation : quels leviers ?

Forces, appuis, vecteurs : les leviers d’action pour un environnement favorable à l’évaluation

Différents leviers devraient nous permettre de passer d’un environnement hostile à un environnement propice à l’évaluation.

L’art de bien « bastir » – illustration BNF – Gallica.

Les appuis

Selon la formule d’Aristote : « Donne-moi où je puisse me tenir ferme, et j’ébranlerai la Terre » (« Δός μοί ποῦ στῶ, καὶ κινῶ τὴν γῆν »)- un certain nombre d’appuis vont être nécessaires afin de constituer un terreau favorable à la mise en place de système de suivi et évaluation, en particulier :

  • des mécanismes de gouvernance de l’évaluation : stratégie d’évaluation, constitution d’un comité éthique,…
  • un cadre normatif : charte éthique et déontologique,…
  • des outils de médiation
  • des mécanismes de saisine et d’alerte
  • des ressources adéquates, pérennes et prévisibles

Voir : Ethique et déontologie : quels mécanismes et outils ?

Les forces

Mais également une diversité d’accélérateurs, actionneurs ou encore effecteurs, comme autant de forces qui vont venir appuyer sur les points d’appui évoqués précédemment, parmi lesquels :

  • une culture organisationnelle où l’évaluation dispose ou non d’un certain ancrage préalable
  • un encadrement où les services d’évaluation travaillent en symbiose avec la gestion des ressources humaines, les performances collectives et les performances individuelles étant bien sûr intimement corrélées
  • une volonté politique : l’évaluation est portée par les plus hautes instances décisionnelles

Les vecteurs

Enfin, une multitude de vecteurs. Le vecteur incorpore une notion de transmission, il sert d’intermédiaire. Complémentaires aux forces et appuis préalablement évoqués ces vecteurs vont diffuser et assoir la pratique de l’évaluation et le système dans l’institution :

  • des évaluations de projets et programmes qui soient connectés aux enjeux stratégiques

  • un droit à la formation continue en évaluation avec notamment une internalisation des compétences en évaluation

  • au-delà des formations spécifiques en évaluation, le système de suivi évaluation alimente et actualise le plan de développement des compétences en interne. Par exemple, le catalogue des formations accessibles en interne n’est pas figé d’une année sur l’autre mais évolue promptement afin de se rattacher aux objectifs opérationnels

  • des espaces de discussion : concertation, consultation, collaboration… Ces processus sont proposés sur une base trimestrielle au niveau des partenaires (voir séminaires SEA)- orientés sur des questions évaluatives spécifiques ou une fonction (apprentissage, pilotage, redevabilité). Ces espaces doivent être formels mais aussi incorporent l’enjeu de reconstituer des possibilités d’informels lorsque les équipes collaborent à distance. Notamment, dans ce cadre de travail à distance, ces espaces sont souvent l’unique opportunité de déchiffrer et comprendre les contextes pragmatiques.

  • une pensée évaluative : la capacité à générer une approche critique, un regard curieux, neuf et ouvert

L’ensemble de ces leviers sont ainsi à considérer comme autant de rouages essentiels au niveau de l’institution. S’il est tentant de s’appuyer sur des champions, des forces motrices déjà présentes dans l’institution afin de pousser l’évaluation, l’ensemble des leviers devrait être considéré de manière concomitante : de nouveau, un seul maillon est manquant et l’ensemble du système risque de se trouver dysfonctionnel.

Les enjeux

1. Institutionnalisation de l’évaluation

Afin de développer un environnement favorable à l’évaluation, le premier enjeu est sans doute de conforter un cadre national à travers l’institutionnalisation de l’évaluation :

  • un cadre légal
  • des instances indépendantes
  • des mécanismes d’appropriation
  • une applicabilité
  • une professionnalisation de la fonction avec des cellules dédiées au sein de chaque instance
2. Protection des professionnels de l’évaluation

Comme évoqué préalablement, avancer sur la base des bonnes volontés, si l’ensemble des conditions ne sont pas réunies risque de trouver le professionnel sur un sol glissant. Des mécanismes de protection doivent être inscrits dès l’élaboration des profils de poste avec l’explicitation des responsabilités.

3. Visualiser, nommer, documenter le négatif

Les contextes de polycrises sont largement documentés et partagés : crise environnementale, sociétale, économique, sécuritaire, climatique s’alimentent et s’entremêlent à un rythme toujours plus soutenu. Pourtant les publications et rencontres internationales de professionnels de l’évaluation laissent entrevoir les bonnes pratiques et les expériences réussies – encourageant, certes – mais ne laissant que peu apprécier les vents contraires. Comment chaque programme peut-il avoir atteint ses objectifs quand bien même le contexte de départ est chaque fois plus dégradé ?

4. Accélérer

Le suivi tel que mis en place dans de nombreux programmes se résume à un contrôle de la performance. En ce sens, il est incapable de détecter des signaux faibles, une tendance. D’une part, ceux-ci étant noyées dans une masse de données et par ailleurs construit en déconnexion de la veille stratégique.

Le système de suivi et évaluation devra permettre d’accélérer la prise de décision, les réorientations opérationnelles ou stratégiques en temps réel, notamment via une communication permanente entre les différents acteurs de l’évaluation.

Pour aller plus loin
Sujets connexes :

Archibald, Thomas, et Laurent O. Moussavou. 2016. « La pensée évaluative : Une activité mystérieuse et quotidienne ». Éducation permanente 208(3) : 33‑40.


Date de première diffusion : juillet 2023
Date d’actualisation : mars 2024