Evaluation versus communication

Distinguer évaluation et communication…

Suivi Evaluation et communication sont souvent accolés en tant que lignes budgétaires, pour un montant représentant chacun environ 5% de budget global d’un programme.

Voisines, ces disciplines n’en sont pas moins intrinsèquement distinctes. 

L’évaluation ambitionne une certaine neutralité et impartialité, faire remonter l’ensemble des voix et des perceptions sur une action donnée en vue de son amélioration. 

La communication, étymologiquement, cherche le partage d’information et la mise commun. Pourtant, elle est souvent utilisée dans l’objet d’échafauder une image, d’améliorer sa notoriété. 

Méfions-nous ainsi des intitulés de postes « valorisation et évaluation » où l’évaluation n’aurait pour unique objet que de mettre en valeur l’action. Exiger d’un projet d’auto-générer des preuves de son utilité, en vue de son financement ou refinancement, s’apparente à une forme de contrôle indirect. 

Bien sûr, au quotidien, les services Suivi Evaluation et communication pourront se révéler complémentaires. Le service communication utilisera les données générées par le service évaluation. Le service évaluation s’appuiera sur des compétences spécifiques en dataviz, conception graphique, prise de vue, montage vidéo,…, potentiellement disponibles dans le service communication. Mais encore profitera des supports de diffusion gérés par la communication : site internet, lettre d’actualité, réseaux sociaux…

Rash Brax – La communication comme mise en scène des données de l’évaluation ?
… néanmoins une symbiose entre évaluation et communication à rechercher

Dans le cadre d’un programme d’adaptation au changement climatique, en lien avec la protection de la biodiversité par exemple, un dilemme pourra se poser car le succès de l’action repose sur des changements de comportement, par exemple l’arrêt de certains achats ou de certaines pratiques, et donc des techniques de persuasion pouvant s’apparenter à de la rhétorique. Ainsi, du choix des formes de communication dépendra en partie le succès du programme.

Evaluation et communication vont ainsi fonctionner en tandem : le service communication sera chargé de diffuser et partager les valeurs sur lesquelles se fondent le programme et le service évaluation visualiser des écarts ou non entre valeurs et comportements effectifs. 

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Quid de la visibilité ?

Communication et visibilité vont souvent de pair, toujours en tant que lignes budgétaires.

La visibilité s’insère dans une obligation contractuelle de faire état de l’origine des fonds. 

Parfois perçue comme seule tâche de devoir afficher le logo du bailleur dans des locaux ou coller des stickers sur de nouveaux véhicules, le plan de visibilité est bien plus vaste et impose par exemple la création d’une identité et d’une image de marque.

Eléments pivots d’une stratégie marketing, ces missions sont confiées à des agences de communication. La pertinence de l’investissement financier et temporel peut-être interrogé dans des projets courts. Mobiliser l’attention des chargé-e-s de projets sur les 2 ou 3 mois nécessaires à la conception d’un logo ou d’une charte graphique alors même que la durée de vie du projet ne dépasse pas quelques années… Efficient ?

Mais encore, l’identité de marque correspond à faire accoucher des valeurs du projet afin de les transformer en visuels et messages correspondants. Faire émerger les valeurs est aussi un rôle de l’évaluation – ici les 2 disciplines se contraignent, au risque de mener des activités en doublon. 

De nouveau, il s’agira de générer une symbiose puisque ce travail sur les valeurs est une prérogative du management et de la gestion des ressources humaines : pour souder une équipe, faire émerger et partager les valeurs de chaque membre est une étape incontournable. 

Mobiliser management, SE et communication sur la promotion d’une image de marque permettra par ailleurs de détecter les limites de l’indécence : lorsqu’un décalage fort existe entre les ambitions d’un projet et son affichage et les bénéfices réels pour les populations. Notamment si celui-ci n’a pas encore débuté…

Une question de taille

« Si d’autres logos sont affichés en plus de l’emblème de l’Union, ce dernier doit avoir au moins la même taille que le plus grand des autres logos »

Lignes directrices UE
Lignes directrices opérationnelles à l’intention des
bénéficiaires d’un financement de l’Union européenne, mars 2021

Bien sûr, l’obligation contractuelle ne se limite pas à des enjeux de taille de logo. Le système de suivi et évaluation doit répondre de la qualité du programme mis en place. La visibilité est ainsi à double tranchant. Le logo, tel un étendard sera ainsi le premier élément à être identifié en cas d’insatisfaction avec l’utilisation des fonds. Il contribue à identifier le bailleur et doit être efficacement lié à un mécanisme de gestion des plaintes.

Cherry picking

Le cherry picking ou « cueillette de cerises » est la pratique qui consiste à ne sélectionner que les meilleures données, celles qui arrangent la personne chargée de leur utilisation. Ce qui implique passer sous silence des données moins flatteuses.

Il s’agit d’une forme de triage. Nous évoquons ici le cherry picking au moment de la diffusion des données de l’évaluation mais cette pratique se retrouve sur un ensemble d’étapes et risque de biaiser les résultats comme le diagnostic initial :

  • sélection des bénéficiaires par le haut dans un programme s’adressant aux plus vulnérables
  • sélection des indicateurs selon l’angle qui mette le plus en valeur le programme
  • collecte des « résultats » uniquement dans les rapports de suivi ce qui implique de taire les contre-performances
  • sélection des destinataires pour les séances de restitution 
Alors que la plupart des fruits ne sont pas encore mûrs, le rapport d’activité met en avant les seules cerises déjà parvenues à maturité.

Pour aller plus loin :

Le contre-rapport annuel

Le contre-rapport annuel est un exercice d’animation, qui s’effectue en interne, sous forme d’atelier. L’objet est de faire remonter les plus gros ratés de l’année, les erreurs et les imprévus. 

L’exercice s’effectue donc en interne, en équipe projet ou entre collègues et ne donne pas lieu à une publication officielle. Il s’agit de libérer la parole, d’ajouter une touche d’humour, d’utiliser les mêmes codes, le même style rédactionnel pour évoquer les sorties de route que les succès. Bien sûr, certaines erreurs sont parfois tragiques et interrogent plus que d’autres la redevabilité. Le rire laisse la place à la stupeur. Les débats se portent alors sur les valeurs, sur le sens et non sur la performance. Toujours dans une démarche d’apprentissage, d’instaurer des gardes-fous et d’amélioration des process.

Cette pratique demande à être animée par un modérateur extérieur et déliée des enjeux de postes ou d’avancement de carrière. Souvent intégrée à nos formations à la conception de SSE, le dernier jour, une fois la confiance acquise des participants et s’apparente à un moment de détente. Néanmoins, les apprentissages et orientations en terme de préconisation sont souvent immenses.

Globalement, on ne peut pas dire que cela soit encore tout à fait mûr.

Pour aller plus loin :

Etape 5 : planification de l’utilisation des résultats

Date de première diffusion : 2022
Dernière actualisation :
janvier 2024