Nemawashi

Nemawashi est à l’origine une opération horticole signifiant en japonais « tourner autour les racines ». En français « cernage », une pratique visant à faciliter la transplantation d’un arbre, améliorer la fructification et renforcer l’enracinement profond. 

Mais le concept a pris une dimension également sociale et managériale au Japon : Nemawashi est un processus semi-formel mais systématique et séquentiel de construction de consensus dans lequel la validation (d’une idée, d’un projet, d’une orientation stratégique) du plus grand nombre est recherchée.

Bien sûr, nous avons certaines équivalences à cette recherche d’accord collectif : « embarquer tout le monde », « tâter le terrain », « rallier à sa cause », « se mettre sur la même longueur d’onde » ou encore « graisser les rouages ». Cette quête nécessite des compétences en relations publiques : aisance relationnelle, savoir se montrer aimable et amical, converser sur des sujets personnels comme professionnels, être engageant et convaincant. Une démarche du plus noble, un processus participatif de prise de décision, au plus opaque : persuasions en coulisses, pressions, lobbying. 

Le Nemawashi se distingue alors en tant que philosophie : une recherche sincère de collectif et d’harmonie. Si des critères d’évaluation sont associés, ils intégreront alors la véracité du processus et sa capacité à intégrer les valeurs de la méthode.

Préparer le terrain 

De nombreux projets échouent car le contexte ou l’écosystème dans lequel ceux-ci se sont inscrits n’a pas été suffisamment considéré. La pratique de Nemawashi peut ainsi permettre de construire et d’adapter son modèle (voir les modélisations) en phase initiale de montage de projet mais encore tout au long du cycle de projet afin d’enrichir les prises de décision.

L’intégration du Nemawashi dans le cycle de projet 

1. Proposition initiale 

L’idée se conceptualise. Rédaction d’un premier draft plus ou moins formalisé en fonction de la culture interne de l’organisation (contexte, données déjà disponibles, objectif, calendrier, budget,…)

2. Consultations semi-formelles

Diffusion et partage de l’information. Repose sur une identification des parties prenantes clés à défaut d’exhaustivité. Nécessite des qualités d’écoute active et le recueil des pré-conditions : l’idée pourra se développer uniquement si telle ou telle action préliminaire est engagée… Des ajustements, des réticences, des avis contraires, des recommandations sont exposés.

3. Adaptation et approbation 

Un processus itératif afin de répondre aux interrogations, améliorer le modèle en fonction des objections, jusqu’à obtenir une adhésion.

4. Validation formelle 

Une fois le consensus ébauché, le projet peut prendre son processus d’approbation formalisé. Si le processus a fonctionné les résistances seront amoindries et faciliteront la mise en oeuvre de la décision.

Les avantages du Nemawashi
  • solidifie la logique d’intervention, de part son approche participative, les points faibles de la stratégie sont immédiatement mis en avant
  • participe à faire remonter toutes les voix, même les plus discrètes et les plus effacées
  • impliquées dans les préparatifs, les équipes perçoivent en amont les objectifs; la stratégie derrière de nouvelles activités qui autrement seraient tombées comme des cheveux sur la soupe 
  • favorise les motivations : les parties prenantes ont été impliquées dans la conception et s’approprie l’action 
  • réduit les conflits à postériori, les points sensibles ont été évoqués en amont 

Comment faire l’exact opposé du Nemawashi ? Illustration par la mise en place du chantier Equilibre par l’ADIE

En 2009, l’association de microfinance ADIE met en place le chantier EQUILIBRE1 : prospection de nouveaux clients, fidélisation des clients, mise en place d’une plateforme téléphonique de filtrage et installation du CRM Salesforce… Une modification profonde du métier des conseillers crédits qui jusqu’à là travaillent sur la base de lien direct avec les porteurs de projets, et notamment une relation de confiance. Cette logique de rationalisation et ses outils apportés « pro bono » par des cabinets de conseils vont venir « éclater façon puzzle » la richesse et le fondement même du métier mais encore ré-interroger sur le sens : l’objet associatif est d’insérer les porteurs de projet dans le système bancaire classique et non de les fidéliser via l’association. 

Les responsables crédit et responsables accompagnement occupent alors des positions de middle management, en charge de la couverture d’une zone territoriale et de plusieurs agences.  En l’espace d’une réunion d’une heure, le chantier équilibre déjà entièrement ficelé va être présenté aux responsables crédit et accompagnement. Et ce mot de conclusion : « Allez, à vous maintenant ! Aller présenter la nouvelle organisation aux conseillers ». Bien sûr, par absence d’adhésion, les freins engendrés ont été multiples. 

Pour aller plus loin
Ressources externes

Date de diffusion : 2025

  1. Le processus de rationalisation industrielle et professionnelle ainsi que la diversification des produits dans une institution de micro-finance française : le cas de l’ADIE, Gaëlle Martin, 2010 ↩︎