La mémoire institutionnelle, également appelée mémoire organisationnelle, fait référence à l’ensemble des informations, connaissances, expériences et savoir-faire accumulés au fil du temps par une institution ou une organisation.
Un travail titanesque lié à l’identification, l’organisation et la conservation de l’information institutionnelle.
Dépasser le simple et mécanique « archivage » pour jouer sur les 3 fonctions de l’évaluation :
➡ Aide à la prise de décision
La mémoire institutionnelle permet d’accéder rapidement à un historique de données, d’apprécier les modalités des prises de décisions passées et de leurs conséquences, contribue à la qualité des choix stratégiques, réduit les incertitudes
➡ Redevabilité
La mémoire institutionnelle fournit un enregistrement des décisions, des actions et des résultats passés de l’institution, participe au suivi des engagements et aide à retracer les responsabilités, met à disposition des preuves tangibles pour étayer les explications.
➡ Apprentissage
La mémoire institutionnelle est un réservoir d’expériences et de connaissances accumulées, expose des précédents, les échecs comme les réussites
« Even when results show that the program has had little effects, it is important that others learn of the findings so that ineffective programs are not duplicated again and again. » Evaluation research, Carol H. Weiss. 1972
Mais encore la mémoire institutionnelle vise à assurer une certaine continuité des opérations, notamment en cas de changement de personnel et de rotation fréquente des équipes.
Définition de l’identité d’une institution
La mémoire institutionnelle retrace l’histoire de l’institution, expose ses fondements, ses héritages. Elle façonne son identité en fournissant des éléments de contexte qui permettent de comprendre la continuité avec les objectifs actuels de l’institution.
À travers la mémoire institutionnelle, les valeurs et principes sont mis en évidence. Ces briques éthiques et déontologiques fondamentales visent à approcher au mieux et refléter l’essence même de l’institution, sa singularité, ré-interroger sa raison d’être au regard de ses principes fondamentaux.
Les formats
Aide mémoire et lieu de mémoire
La mémoire institutionnelle nécessite un lieu physique et numérique : des archives sous formats divers et multiples : textes, images, vidéos, cartes, enregistrements, objets, plans, dessins. Conserver l’ensemble des traces, aussi bien ce qui valorise l’institution que les périodes troubles.
Impalpable et intangible, la culture interne évolue et émane en partie des fondements de cette mémoire institutionnelle, capturée ou non : l’évolution des normes et pratiques du quotidien, les orientations stratégiques, les habitudes, les comportements, les relations entre services et départements…
Le recueil des boites noires de l’action publique
Nous avons présenté le système de suivi évaluation comme boite noire de l’action publique. Par ailleurs, le système de suivi évaluation ne sert pas uniquement à savoir si une action, une stratégie, une politique publique fonctionne ou ne fonctionne pas mais également à exposer comment est-ce qu’on le sait. Le mode d’emploi et le schéma fonctionnel du système. Sur quels critères a été évaluée l’action ? Avec quelle hiérarchisation ? Avec quelle pondération ?
Cet archivage permet une transparence accrue en visualisant les référentiels d’évaluation, les supports sur lesquels se sont fondés les prises de décision.
Indice de mémoire institutionnelle
Quelques indicateurs visant la création d’un indice de mémoire institutionnelle
– Existence d’un service d’archives (un lieu physique ou numérique est accessible pour la consultation des documents institutionnels (oui/non)
– Nombre de documents archivés
– Budget annuel alloué au fonctionnement de la mémoire institutionnelle
– Taux de numérisation des archives physiques
– Fréquence des consultations des archives (nombre de consultations par mois)
– Formation des agents (niveau de formation des employés sur la gestion des documents et des archives (échelle de 1 à 5)
– Taux de satisfaction des utilisateurs des archives
Indicateurs spécifiques à l’évaluation
– proportion des projets/programmes/mesures/politiques publiques évalués
– proportion des projets évalués accessibles en ligne pour consultation
– proportion des projets disposant d’un système de suivi et évaluation
– proportion des projets/programmes/politiques publiques dont le système de suivi et évaluation a été validé par l’instance de gouvernance avant la phase de déploiement
Où se trouve la mémoire institutionnelle du développement ?
L’évaluation finale de projets et programmes est souvent une obligation contractuelle. Pourtant, tous les bailleurs de fonds, ministères ou collectivités locales ne proposent pas une basique fonction de moteur de recherche qui permettrait d’accéder aux rapports d’évaluation par date, par zone géographique ou par thématique. La mémoire institutionnelle doit être ainsi précisée ou complétée par une politique de divulgation.
Pire encore, les projets et programmes fonctionnant par définition par cycles, ce sont parfois l’intégralité des productions (diagnostics, états des lieux, plans stratégiques, rapports d’activités,…) qui disparaissent au moment de la clôture de l’action. Les couteux sites internets financés sur les lignes budgétaires de la communication, qui avaient l’avantage d’héberger ces productions, disparaissent du jour au lendemain. Pour cause, aucune dépense ne peut dépasser la date de clôture, quelques dizaines d’euros d’hébergement web annuel pour des programmes de plusieurs millions d’euros ne sont pas éligibles, quel gâchis !
Le lien entre évaluation de projets et mémoire institutionnelle
Le lien entre évaluation de projets et mémoire institutionnelle doit être développé et explicité. A défaut, chaque nouvelle évaluation ne sera qu’un dossier de plus à archiver. Une première phase consiste à intégrer systématiquement dans tout rapport d’évaluation un chapitre afin d’analyser les éléments de contexte, favorables ou non à l’évaluation. En quoi l’évaluation, dans son organisation institutionnelle et son périmètre le plus large, a favorisé ou non, l’élaboration d’une évaluation spécifique au niveau d’un programme, d’un projet, d’une action ?
Mais encore l’évaluation de projet s’insère dans un parcours ou la restitution finale n’est qu’un point de départ.
Ce parcours est à affiner tout au long de l’évaluation afin de pouvoir être exprimé et opérationnel dès la validation du rapport d’évaluation finale en exploitant chaque levier potentiel d’apprentissage : études de cas, témoignage, formation continue, retour d’expérience, tutorat…
Les archives ?
– « Excusez-moi, pardon, je cherche le bureau des archives.
– Les archives ?
– Oui
– Hmmm. Je sais qu’on en a…
– Tiens Pascal, excuse moi tu sais où est le bureau des archives?
– Comment t’écris ça ?
– Archives ?
– Archives
– Archives
– Alors je sais qu’on en a… Mais… »
Adieu les cons, Albert Dupontel, dialogue entre Virginie Efira, Grégoire Ludig, David Marsais

Pour aller plus loin
- Les formats et supports de restitution
- Evaluation versus communication
- Restitution, droit de réponse, divulgation publique
- Les recommandations
- Eclairer les processus de prise de décision
- La mémoire institutionnelle
- Sommaire : les étapes de mise en place d’un système de suivi et évaluation
Date de première diffusion : 2024