L’évaluation, c’est avant tout une passion. Alors quand il a fallu obtenir la qualification Datadock, ce fut avant tout un plaisir. Appliquer l’évaluation à notre propre formation pour en faire une charte qualité.
Mais pourquoi fallait-il tout recommencer deux ans plus tard ? Rien n’était clair, Qualiopi remplaçait Datadock mais Datadock demeurait. La seule certitude venait des collègues d’autres organismes de formation qui avaient franchi le pas : c’est lourd, c’est cher, c’est complexe et chronophage.
Les formations à la mise en place de système de suivi et évaluation, pour nous, c’est avant tout un terrain, accompagner et mettre les mains dans le cambouis des projets, programmes et politiques publiques portés par les participants.
Alors le jeu en valait-il la chandelle ? Délaisser l’ingénierie de formation pour se consacrer à la conformité administrative ? Non, sans doute. Il aurait fallu monter en puissance, modifier la stratégie d’EVAL pour un coup de tampon. Mais ce sont des dizaines d’apprenants qui ont été laissés sur le côté. Oui, sans doute, après tout les critères sont cohérents et ce n’est pas la mer à boire.
Les limites de Qualiopi
- la certification vérifie avant tout la conformité procédurale (le fait que l’OF fait ce qu’il dit et le prouve) mais ne garantit pas la qualité pédagogique ou l’efficacité réelle des formations dispensées.
- l’effort des organismes de formation est souvent orienté vers la seule production des preuves demandées par les indicateurs, parfois au détriment de l’innovation pédagogique ou de l’adaptation aux besoins réels.
- le référentiel n’est pas suffisamment adapté aux différentes typologies d’acteurs, avec des exigences disproportionnées pour les petites structures, les « artisans de la formation » tirent la langue puis jettent l’éponge.
Dérives et durcissement du dispositif à l’horizon 2026
En conditionnant l’accès à des milliards d’euros de fonds publics (CPF, OPCO, etc.) à l’obtention d’un coup de tampon, la certification est devenue un sésame indispensable. Des milliers de consultants se sont spécialisés dans la préparation à l’audit Qualiopi, vendant des « kits documentaires » et des prestations de conseil pour aider les organismes à se mettre en conformité. Les organismes certificateurs accrédités par le COFRAC ont vu leur activité exploser, avec des niveaux de qualité divers, ce qui était justement la raison d’être de Qualiopi et reproché aux organismes de formation. Ou encore, Des organismes certifiés ont pu « loué » leur certification à des structures non-conformes, leur permettant d’accéder indirectement aux financements publics en échange de commissions. Cette « conformité papier » a ainsi généré de nouvelles failles : formations « conformes » mais avec une valeur pédagogique limitée ; voire de fraudes facturation de formations fictives, usurpation d’identité pour vider des compte CPF.
Face à l’ampleur de ces dérives, les pouvoirs publics ont annoncé un durcissement majeur du dispositif à l’horizon 2026. Les audits seront adaptés, en se concentrant davantage sur la qualité pédagogique et l’efficacité de la formation. Les auditeurs devront être mieux formés et certifiés pour garantir une harmonisation et une rigueur des contrôles sur tout le territoire.
Vers le niveau 2 du modèle Kirkpatrick
En schématisant, il aura fallu 4 ans pour prendre le virage vers le niveau 2 (sur 4) du modèle de Kirkpatrick. Mais encore, transformer la certification en un dispositif antifraude, qui de nouveau était déjà l’objectif de Datadock : éviter les dérives structurelles du secteur de la formation professionnelle.
Pour rappel, selon la pyramide développée par Donald Kirkpatrick en 1959, pour prouver l’efficacité d’une formation, il faut gravir différentes marches. La base, le niveau 1 (réaction), est la satisfaction immédiate des participants. Le niveau 2 (apprentissage) vérifie s’ils ont réellement acquis les connaissances et compétences. Le niveau 3 (comportement) observe s’ils appliquent ce qu’ils ont appris dans leur travail quotidien. Enfin, le sommet, le niveau 4 (résultats), mesure l’impact concret de ces nouvelles compétences sur les objectifs de l’entreprise, comme l’augmentation de la productivité ou la réduction des coûts. Chaque niveau s’appuie sur le précédent.
Transposer Qualiopi au régulateur
Reprenons donc les 7 critères du Référentiel National Qualité mais appliquons les à l’Etat lui-même en tant que garant, régulateur et finançeur d’une politique publique. Avec 2 orientations majeures :
- la visibilité de l’offre et la fluidité des parcours
- l’incorporation de grands enjeux de société au-délà de la simple employabilité : climat, intelligence artificielle, ré-industrialisation…
| Exigence Qualiopi | Transposition du critère au régulateur |
| 1. Conditions d’information du public : transparence sur les prestations, les délais et les résultats. | Transparence de la Politique Publique et de l’Offre Nationale : clarté des règles de financement (CPF, Régions) et publication des indicateurs de performance agrégés du système. |
| 2. Conception de la prestation : définition précise des objectifs et adaptation de la formation. | Alignement Stratégique et Réponse aux Besoins Socio-Économiques : définition des objectifs nationaux (filières stratégiques), intégration des grands enjeux environnementaux et de l’Intelligence Artificielle (IA), et alignement des dispositifs de financement sur la demande du marché de l’emploi. |
| 3. Mise en œuvre de la prestation : adaptation des modalités d’accueil, d’accompagnement et de suivi aux publics. | Équité, Accessibilité et Efficacité du Service Public d’Orientation : assurer la qualité et la neutralité du Conseil en Évolution Professionnelle (CEP) et simplifier les démarches administratives pour tous les publics. |
| 4. Adéquation des moyens : mobilisation des moyens pédagogiques, techniques et d’encadrement nécessaires. | Pertinence des Outils Réglementaires et Financiers : maintenir des plateformes numériques (CPF, Dataroom) robustes et sécurisées, et s’assurer que le cadre réglementaire (RNQ) reste stable et proportionné à l’objectif de qualité. |
| Qualification des personnels : développement des connaissances et des compétences du personnel. | Expertise des Agents Publics (Régulateurs et Contrôleurs) : garantir la formation continue des inspecteurs (DREETS, DGCCRF) et l’expertise des équipes de régulation (France Compétences, CDC) face aux évolutions du marché et de la fraude. |
| Inscription dans l’environnement professionnel : mise en place de partenariats et veille légale/technologique. | Dialogue Social, Concertation et Veille Active : assurer une concertation effective avec les partenaires sociaux et les collectivités territoriales, et intégrer la veille réglementaire/économique dans l’ajustement continu de la politique publique. |
| Recueil et prise en compte des appréciations : évaluation et traitement des réclamations des parties prenantes. | Boucle d’Amélioration Continue de la Gouvernance : établir des canaux clairs de réclamation pour les OF et les usagers, analyser les rapports d’audit (Cour des Comptes) et prouver que les évaluations conduisent à des plans d’action et des ajustements concrets de la réglementation. |
Bref. Nous ne sommes pas certifiés Qualiopi.
Pour aller plus loin
- La qualité de la formation professionnelle, Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR), Mai 2024
- Enquête sur la certification qualiopi , DARES, novembre 2024
- Qualiopi : certification qualité, rapport d’étude, France Compétences, novembre 2020
