L’évaluation en contexte de développement, enjeux, approches et pratiques

l'évaluation en contexte de développement

En bref : ce manuel se présente comme destiné aux personnes souhaitant s’initier à l’évaluation de programmes. Saut dans le grand bain pour les débutants, il permettra surtout aux initiés une approche réflexive et actualisée sur leurs pratiques. Suivant le fil d’une démarche évaluative, il donne la parole à une sélection de praticiens et praticiennes. Ce qui laissera par ailleurs l’opportunité de découvrir et de suivre de multiples auteurs sur la durée. Dans son dernier chapitre, le manuel réuni les points de vue des premiers coordonnateurs et présidents du Réseau Francophone d’Evaluation. Comme son titre l’indique, l’ouvrage se circonscrit tout particulièrement au contexte du développement et de la coopération. Un deuxième tome permettrait de s’extraire de la logique de coopération, considérer l’avance des praticiens et praticiennes du développement dans la discipline afin d’offrir une référence plus globale en termes d’évaluation de politiques publiques et interroger les pratiques des pays hors du champs de l’aide. Enfin, l’ouvrage est disponible en ligne.

Un ouvrage de référence pour l’évaluation francophone pour les acteurs francophones

Cet ouvrage est un manuel pédagogique francophone destiné à l’évaluation de programmes en contexte de développement, avec un accent particulier sur l’Afrique et Haïti. Il comble un vide de littérature francophone pour offrir des références et des cas adaptés aux contextes de pays francophones, rompant avec la dépendance aux modèles anglo-saxons. Le manuel insiste sur la nécessité d’un langage commun et précis, proposant un dictionnaire conceptuel pour solidifier l’évaluation comme discipline. L’ouvrage de 491 pages réunit une multitude d’auteurs et de référents francophones de l’évaluation. Avec une vingtaine de chapitre, il couvre l’intégralité du cycle de projet, de la justification de l’intervention (sa « raison d’être ») jusqu’au transfert des connaissances, bien loin d’une unique mesure de résultats.

Une idée centrale est que les méthodes d’évaluation ne sont pas universelles et doivent être adaptées aux réalités culturelles, politiques et sociales, notamment en Afrique. C’est le premier manuel francophone à intégrer de manière aussi systématique ce mouvement, le « Made in Africa Evaluation » qui prône une évaluation enracinée dans les philosophies et les contextes africains, valorisant des concepts comme l’Ubuntu (« Je suis parce que tu es »). 

En insistant sur le « Made in Africa », la participation locale et la critique des modèles imposés par les bailleurs de fonds, les auteurs affirment que l’évaluation n’est pas un exercice technique neutre, mais un acte politique profondément ancré dans des relations de pouvoir postcoloniales. Le manuel suggère que la manière « occidentale » de définir un problème, de mesurer le succès et de juger de la valeur est souvent inadéquate et peut perpétuer des dynamiques de dépendance. L’ouvrage est donc un outil d’émancipation intellectuelle et pratique, visant à redonner aux acteurs locaux le pouvoir de définir et d’évaluer leur propre développement.

En terme méthodologique : 

ll est recommandé de dépasser le simple cadre logique pour construire une théorie du changement détaillée, qui explicite les hypothèses, les risques et les facteurs contextuels. L’évaluation devrait tester cette théorie plutôt que de se contenter de mesurer l’atteinte ciblée des indicateurs

Le chapitre 13 critique implicitement la survalorisation des études randomisées (RCT) en présentant une large palette d’alternatives, méthodes qualitatives ou mixtes.

L’évaluation doit s’ancrer dans le cycle complet de la politique, en commençant par une analyse critique de la « raison d’être » de la politique et de la justification d’intervenir. Elle doit évaluer la cohérence de la politique avec d’autres interventions et ne pas se focaliser uniquement sur l’atteinte des objectifs, mais aussi sur les effets non intentionnels.

Par ailleurs, les auteurs rappellent que la validité d’une évaluation ne dépend pas seulement de sa rigueur méthodologique, mais aussi de sa crédibilité, de sa pertinence pour les acteurs concernés et de son utilité pour l’action. Le savoir local et tiré de l’expérience est considéré comme une source de connaissance aussi légitime que le savoir scientifique.

Ce document s’ancre spécifiquement dans le développement international à travers, par exemple :

  • L’analyse des politiques migratoires : Cartier et Franzetti (p. 127) traitent des enjeux de l’évaluation des mouvements migratoires, en utilisant le Pacte mondial sur les migrations comme cadre d’analyse et en soulignant la vulnérabilité spécifique des migrants dans les crises.
  • Le suivi des Objectifs de Développement Durable (ODD) : le chapitre de Mahmoud Ghouil (p. 119) analyse le cadre de suivi et d’examen des ODD. Il discute des défis liés à l’adaptation de ce cadre mondial aux contextes nationaux et à la capacité des pays à évaluer leur progrès face à la complexité des objectifs.
  • L’évaluation des projets d’adaptation aux changements climatiques : le texte de Montibert (p. 133) aborde les défis concrets comme la difficulté d’accès aux données climatiques précises en Afrique ou en Haïti et la nécessité de diversifier les sources d’information pour évaluer la résilience.

Au final, l’ouvrage se singularise par sa triple ambition : être à la fois un manuel pédagogique rigoureux, un plaidoyer politique pour une évaluation décolonisée, et le socle d’une communauté de pratique francophone.

Bien que l’ouvrage présente une vision d’ensemble cohérente, il est le fruit de la collaboration de 46 auteurs aux perspectives variées. Comme les éditeurs le soulignent eux-mêmes dans l’avant-propos : « Malgré la volonté d’une certaine cohérence pédagogique, la diversité des points de vue dans cet ouvrage est le reflet de la diversité des perspectives théoriques et pratiques de leurs auteurs et autrices »

Il existe par exemple une tension notable sur la valeur et l’applicabilité des méthodes expérimentales. Egalement, sur le niveau d’influence que les parties prenantes devraient avoir sur le processus d’évaluation. Ou encore sur le rôle des recommandations : une évaluation réussie doit-elle nécessairement produire des recommandations claires, ou sa fonction peut-elle se limiter à fournir des éclairages diversifiés pour que les acteurs décident par eux-mêmes ?

Ressources en évaluation dans le secteur du développement

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