Henri Fayol est considéré comme un précurseur et un des pères fondateurs du management.
En 1917, il publie « Administration industrielle et générale1 » retraçant et synthétisant une cinquantaine d’années d’expérience en responsabilité, ancien directeur général de la « Commenbau »2, où il a fait toute sa carrière. Mais surtout Henri Fayol, parmi les premiers, érige l’administration au rang de discipline, formalise et propose un système de gestion, assoit les sciences administratives. Ainsi, Henri Fayol, ingénieur de formation, observe, documente, expérimente tout au long de sa carrière, dans une démarche scientifique et de transmission de savoirs.
Il théorise une « doctrine administrative », dont un élément a tout particulièrement été popularisé, le POCCC : « administrer, c’est Prévoir (i), Organiser (ii), Commander (iii), Coordonner (iv) et Contrôler (v) » enseigné ultérieurement dans les universités américaines sous l’acronyme PODC (Planning, Organizing, Directing, Controlling).
Alors que l’IGAS publie en 2025 une étude comparative européenne sur les pratiques de management3, les résultats du management à la française y apparaissent comme « médiocre » : hiérarchique, vertical avec une formation initiale des managers peu tournée vers la coopération.
Pourtant, plus d’un siècle après leur parution, les 14 principes d’administration développés par Fayol (présentés comme non exhaustifs mais plutôt à considérer comme un socle de base) apparaissent toujours pertinents et c’est sans doute une mise en application sans nuances au fil des années qui ont permis la diffusion et perpétuation des lacunes actuelles identifiée par l’IGAS.
Les 14 principes d’administration de Henri Fayol : la division du travail ; l’autorité ; la discipline ; l’unité de commandement ; l’unité de direction ; la subordination des intérêts particuliers à l’intérêt général ; la rémunération ; la centralisation ; la hiérarchie ; l’ordre ; l’équité ; la stabilité du personnel ; l’initiative ; l’union du personnel.
Henri Fayol distingue nettement administration et gouvernance. Selon Fayol gouverner s’opère à un échelon beaucoup plus vaste : l’administration n’en est qu’une composante. La gouvernance consiste ainsi à paramétrer 6 fonctions, dans laquelle s’intègre la fonction administrative, la plus essentielle, en interaction avec les 5 autres fonctions :
- opérations techniques (production, transformation,…)
- opérations commerciales (achat, vente,…)
- opérations financières (recherche et gestion de capitaux)
- opérations de sécurité (protection des biens et des personnes)
- opérations comptabilité (inventaire, bilan, prix de revient)
Et donc les opérations administratives : prévoyance, organisation, commandement, coordination et contrôle.
Ces fonctions se déclinent en autant de capacités qu’il convient de maitriser et d’incorporer à l’ensemble des échelons de l’organigramme. Maitriser mais préalablement enseigner, le principal cheval de bataille d’Henri Fayol était ainsi le développement d’un enseignement administratif à partir de sa doctrine.

Au-delà des enjeux d’élaboration d’un curricula lié à la discipline, comme le constate l’IGAS plus d’un siècle plus tard, il n’existe pas en France de politique publique du management. Se positionner aujourd’hui par rapport aux fondamentaux exposés par Fayol, documenter les écarts par rapport aux principes initiaux, s’attaquer de front aux dysfonctionnements pourrait permettre ou contribuer au management à la française de sortir de certaines de ses ornières :
- Subordonner l’intérêt individuel à l’intérêt général (et non l’inverse !) : favoritisme dans les promotions, prise de décision basée sur des bonus personnels, rétention d’information, résistance au changement par crainte de perte d’avantages personnels,…
- Nécessité des communications latérales en complément et au-delà d’un cadre hiérarchique stricte: amélioration de la coordination et coopération inter-département, meilleure synchronisation des équipes, sentiment d’appartenance, multidisciplinarité,…
- Stabilité du personnel : une main d’oeuvre permanente aujourd’hui perçue comme un frein à la capacité d’adaptation, les compétences externalisées font cruellement défaut en interne, plus personne n’est capable d’apprécier la teneur des contrats externalisés (sauf les prestataires qui en profitent !)
- Relation de réciprocité : si Henri Fayol préconise une discipline stricte, de type militaire, comme gage d’efficacité, celle-ci s’inscrit néanmoins dans une relation de contrepartie clairement établie, un environnement propice à la réalisation de la mission et un leadership établi (qualités morales et compétences techniques du manager)
- Équité : si l’équité intègre aujourd’hui de multiples dimensions (équité salariale, conditions de travail, inclusion et diversité, etc.) ce qui dilue sa compréhension, Jacques Fayol présentait le principe d’équité de manière simple et pragmatique : une « combinaison de gentillesse et de justice »
Une administration rigoureuse comme outil de pilotage
Fayol prendra comme exemple son arrivée au commande de la société Commentry Fourchambault et Decazeville en 1888 avec pour mission initiale de procéder à la fermeture des usines. A paramètre égal, sans modification de la conjoncture, uniquement en reformant le mode d’administration, Fayol va réussir à empêcher les fermetures, redresser la société et la faire prospérer via ce qu’il qualifie d’administration rationnelle.
« Avec les mêmes mines et les mêmes usines, avec les mêmes ressources financières, les mêmes débouchés commerciaux, le même Conseil d’Administration et le même personnel, l’entreprise qui allait depuis quelques années en périclitant, se releva dans un mouvement ascensionnel comparable à celui de sa chute«
Henri Fayol – Administration industrielle et générale, Troisième partie, observations et expériences personnelles., chapitre IV, aperçu historique de la société Commentry Fourchambault et Decazeville.


Pour aller plus loin
- Un précurseur du New Public Management : Henri Fayol (1841-1925), revue gestion et management public, Laurence Morgana, décembre 2012
- Henri Fayol et l’industrialisation de l’Etat, par Luc Rojas, Revue Française d’histoire des idées politiques, 2017
- Administration industrielle et générale, par Henri Fayol, nouvelle édition augmentée, 2016 ↩︎
- Directeur des mines de Commentry puis à la tête de la société mère de cette même compagnie : la société minière et métallurgique de Commentry, Fourchambault et Decazeville, surnommé la « Comambault » ↩︎
- Pratiques managériales dans les entreprises et politiques sociales en France : Les enseignements d’une comparaison internationale (Allemagne, Irlande, Italie, Suède) et de la recherche, IGAS, 2025 ↩︎