Commission d’évaluation de l’aide publique au développement

Instaurée par la loi du 4 aout 2021, la commission d’évaluation de l’aide publique au développement attendait début 2025 son décret pour la nomination effective de ses membres.

Cette commission d’évaluation de l’aide publique au développement a été inspirée par la britannique ICAI (Independent Commission for Aid Impact), installée en 2011 avec un mécanisme d’évaluation triennale de son mandat.

Ainsi, si la commission d’évaluation française disposait du même mécanisme de revue triennale que ses homologues britanniques, avec une première échéance théoriquement due en 2024, l’autorité aurait simplement pu constater que 3 ans après la promulgation de la loi, les membres attendaient toujours d’être nommés.

Dans ce long tunnel d’attente de l’installation, voici quelques autres fondements du mécanisme britannique dont la commission française pourrait s’inspirer :

  • indépendance opérationnelle : budget propre de 1,8 millions de livres en 2023
  • suivi des recommandations : 89 % des recommandations de l’ICAI sont mises en œuvre sous 12 mois
  • méthode « beneficiary first » avec 45% du budget alloué aux enquêtes locales
  • des mécanismes de plainte directe pour les bénéficiaires (12 000 signalements traités en 2024)

La première « review » de l’ICAI en 2013 s’interrogeait par ailleurs son propre rôle : viser l’exhaustivité de la répartition de l’aide ou plutôt se concentrer sur des thématiques spécifiques, en réponse aux besoins exprimés par la DFID (Department for International Development, aujourd’hui remplacée par le Foreign & Commonwealth Office) ?

Le budget de l’ICAI correspond à 0,022 % du total des dépenses d’APD du Royaume-Uni en 2023, estimé à une enveloppe totale de 8,3 milliards de livres sterling. Un montant toutefois considéré comme bien faible pour prétendre à une quelconque exhaustivité de l’évaluation de l’aide, lorsque à l’échelle d’un seul programme/projet, 3 à 7% du budget global devrait être consacré à la mise en place du système de suivi et évaluation.

Les différents périmètres de l’évaluation

L’évaluation des projets et programmes de développement (souvent évalués à titre contractuel), s’imbriquent dans l’évaluation de l’aide publique au développement (dont la commission attend la nomination effective), laquelle s’imbrique de manière plus large dans l’évaluation des politiques publiques.

Avancer sur un seul périmètre (l’évaluation de la politique d’aide au développement) sans développer un mécanisme plus large d’institutionnalisation de l’évaluation empêche de hiérarchiser les questions évaluatives, d’interroger la cohérence de l’ensemble pour aboutir à ce type de dérive, 3 ans pour la simple nomination d’une commission.

La principale question évaluative émanant de cette expérience étant de comprendre les mécanismes, de trouver les parades et modalités de prises de décision, d’engager des responsabilités afin que ce type de délais entre promulgation et mise en application ne soit plus acceptable ou toléré.

En bref : instaurée par la loi du 4 août 2021, la commission française d’évaluation de l’aide publique au développement n’est toujours pas opérationnelle, début 2025 ses membres attendent leur nomination par décret. Ce blocage révèle une difficulté à institutionnaliser l’évaluation des politiques publiques mais surtout la priorité d’appliquer l’évaluation à une question plus large et basique : comment analyser, comprendre et corriger les défaillances institutionnelles qui permettent un tel délai entre la promulgation d’une loi et sa mise en application effective ?

Commission d’évaluation de l’aide publique au développement
Pour aller plus loin :

Evaluation Systems in Development Co-operation, 2016 Review

Ce rapport s’inscrit dans la continuité des grandes conférences sur l’efficacité de l’aide (Déclaration de Paris (2005), Programme d’action d’Accra (2008), Partenariat de Busan (2011). Ces accords ont poussé les donateurs à se concentrer sur la mesure des résultats, la redevabilité mutuelle et l’appropriation par les pays partenaires, créant ainsi la demande politique pour les systèmes d’évaluation robustes que ce rapport analyse. Néanmoins, le nombre moyen de membres du personnel par unité centrale d’évaluation a diminué, passant de 19 en 2010 à 14,14 en 2015.

Le rapport analyse en profondeur l’organisation et la gestion des systèmes d’évaluation au sein des agences de coopération pour le développement et explore la tension entre les deux objectifs principaux de l’évaluation : la redevabilité envers les contribuables et les parlements, et l’apprentissage organisationnel pour améliorer l’efficacité des interventions futures.

La séparation structurelle de la fonction de redevabilité (confiée à un organe externe comme l’ICAI) et de la fonction d’apprentissage (laissée aux unités internes décentralisées) est une innovation organisationnelle pour résoudre la tension fondamentale de l’évaluation.

Le rapport mentionne que le Groupe d’évaluation indépendant (IEG) de la Banque mondiale a introduit les « After Action Reviews » (AAR), ou « examens après action ». C’est une préconisation très concrète : après chaque évaluation, l’équipe mène un débriefing structuré pour analyser ce qui s’est bien passé, ce qui a mal fonctionné dans le processus d’évaluation lui-même, et comment le travail aurait pu être amélioré pour la prochaine fois.

Une autre recommandation simple et pragmatique est d’instaurer la publication obligatoire de tous les rapports d’évaluation et des réponses de la direction.

Après une première édition en 2010, ce rapport a permis de nouveau en 2016 à chaque agence (ex: Sida en Suède, AFD en France) de se comparer à ses homologues sur des aspects précis comme la structure, le budget, l’indépendance ou les méthodes. Une agence pouvait ainsi justifier une réforme interne en s’appuyant sur les tendances et les meilleures pratiques identifiées.

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