Empowerment

« Au-delà du processus individuel d’émancipation, l’empowerment comprend l’acquisition d’une conscience collective de la dépendance sociale et de la domination politique. Ce concept permet alors de relier le local et le global, car il situe les personnes dans un contexte dépassant celui de leur famille ou de leur communauté, tout en les reliant à des notions plus larges (par exemple au niveau macro-social) et à la possibilité d’agir sur ces dernières. Ce concept dépasse les notions de démocratie, de droits de l’homme et de participation pour donner aux populations la possibilité de comprendre la réalité de leur milieu (social, politique, économique, écologique et culturel), de réfléchir aux facteurs qui modèlent leur environnement et de prendre des initiatives destinées à améliorer leur situation (SINGH, TITI, 1995).


Ci-dessous une sélection de ressources en évaluation (guides, manuels, dossier, articles,…) pour des programmes d’émancipation/autonomisation.

Evaluations

Ce rapport d’évaluation examine le soutien du PNUD à l’autonomisation économique des jeunes entre 2015 et 2020. Le rapport note une suraccentuation des interventions axées sur l’employabilité (offre) au détriment de la création d’emplois structurels (demande) et des réformes systémiques.

L’évaluabilité du domaine était jugée modérée à faible en raison de l’absence d’une théorie du changement claire et d’un cadre de résultats institutionnel au début de la période évaluée. Le rapport insiste sur le passage d’une vision des jeunes comme « bénéficiaires » à celle d' »agents de changement ». Cela sous-entend que cette transition n’est pas encore pleinement opérée sur le terrain.

Par ailleurs le rapport évoque le « syndrome du projet » : la tendance à multiplier les interventions à petite échelle, souvent axées sur la formation, sans s’attaquer suffisamment aux problèmes structurels et aux politiques nationales.

Extrait de l’évaluation : échelle d’efficacité des résultats en matière de genre du Bureau Indépendant d’Évaluation du PNUD, est un outil visuel utilisé pour analyser et catégoriser le niveau d’intégration et d’efficacité des approches genre dans les résultats des programmes ou projets. Elle présente un spectre allant d’effets négatifs à des effets transformateurs en matière d’égalité des genres.

Ce rapport évalue une intervention de Cultures&Santé visant, par la co-construction d’un outil de sensibilisation (« Les messagers de l’alpha » à renforcer les ressources psychosociales et la santé avec un groupe d’adultes peu alphabétisés. L’évaluation souligne l’importance d’un temps long : l’intervention s’est étendue sur trois ans, et les effets positifs n’ont émergé que progressivement. Cela sous-entend que les processus d’empowerment et de renforcement des capacités demandent un investissement soutenu et patient. Egalement, la difficulté de l’empowerment réel : malgré les succès, le rapport note que modifier les déterminants sociaux structurels de la santé reste difficile et que de nombreux leviers se situent au niveau politique.

Dossiers

Ce guide définit l’empowerment, ou « développement du pouvoir d’agir », comme un principe fondamental de l’association, réaffirmé dans son projet associatif de 2015. L’empowerment y est conçu à la fois comme un objectif et un processus par lequel individus et groupes développent leur capacité à agir sur les facteurs déterminant leur santé et à transformer leur environnement. Pour MdM, favoriser l’empowerment implique une posture d’accompagnateur et de facilitateur, questionnant ses propres pratiques professionnelles et organisationnelles pour assurer la participation et la redevabilité envers les personnes concernées. Ce document agit pour MdM comme une formalisation et priorisation explicite de l’empowerment comme axe transversal et structurant de l’ensemble de ses actions, avec un plan d’action dédié. Faire de l’empowerment une réalité transversale nécessite plus que des déclarations d’intention ; cela demande une transformation des postures individuelles et des cadres organisationnels.

Extrait du guide MdM : Pouvoir visible, pouvoir caché, pouvoir invisible : les 3 visages du pouvoir selon Jethro Pettit

Compilation de repères bibliographiques en langue française dans le champs social et de la santé. L’introduction souligne la multiplicité des traductions françaises (« pouvoir d’agir », « capacitation », « autonomisation », etc. ) et met en lumière les liens entre l’empowerment, la promotion de la santé (augmenter la capacité d’agir sur les déterminants de la santé ) et l’éducation permanente (citoyenneté, solidarité, justice sociale, développement d’une conscience critique). L’empowerment est présentée comme une démarche permettant de dépasser l’assistance dans les pratiques sociales, évoluant du « faire pour » (paternaliste) vers le « faire avec » (émancipateur).

Ouvrages

L’ouvrage met en lumière la promesse émancipatrice originelle de l’empowerment, née des luttes sociales, et son application souvent dépolitisée, techniciste ou managériale dans les institutions et les politiques publiques contemporaines.  Le livre rappelle cette origine militante et appelle à une vigilance critique pour ne pas laisser l’empowerment devenir un outil au service des logiques qu’il visait initialement à combattre.

Par exemple : se méfier des initiatives qui se focalisent uniquement sur la dimension individuelle (confiance en soi, employabilité) sans questionner les contextes sociaux et politiques. Le rôle des intervenants doit être celui de facilitateurs et non d’experts imposant des solutions. Encourager la conscientisation (analyse critique des rapports de pouvoir) comme étape essentielle du processus.


L’ouvrage propose de prendre du recul avec les approches agissant « sur » les personnes (vues comme objets d’intervention) au profit d’une collaboration (« avec »).  Egalement, rompre avec la focalisation excessive sur les caractéristiques individuelles des personnes aidées, pour réintégrer l’analyse des facteurs structurels (sociaux, économiques) qui influencent leur situation. L’approche du Développement du Pouvoir d’Agir (DPA) est proposé comme un ensemble de « repères » issus de pratiques ayant « fait leurs preuves ». Par exemple, abandonner les pratiques standardisées au profit d’approches adaptées à la singularité de chaque situation. Le texte laisse transparaitre certaines dérives du travail social : standardisation excessive, individualisation des problèmes sociaux, posture d’expert dominant l’usager.

  • Foundations of Empowerment Evaluation. Thousand Oaks, Fetterman, D.M., Sage, 2001

L’ouvrage de Fetterman développe le concept d’évaluation émancipatrice, une approche où les parties prenantes participent activement à l’évaluation de leurs propres programmes. L’objectif est de les rendre autonomes et de renforcer leurs capacités à résoudre des problèmes et à améliorer leurs initiatives. L’idée clé est de déplacer le pouvoir de l’évaluateur externe vers les personnes directement concernées par le programme, démocratiser le processus évaluatif, transformer les bénéficiaires en agents du changement. 

Fetterman suggère que l’évaluation traditionnelle peut être perçue comme un outil de contrôle externe, potentiellement désautonomisant. L’évaluation émancipatrice, au contraire, sous-entend une critique implicite des structures de pouvoir existantes dans l’évaluation de projets. Elle vise à renverser ces dynamiques en favorisant l’appropriation et la responsabilité des acteurs sur le terrain.

L’ouvrage contribue à la reconnaissance de l’importance de l’apprentissage organisationnel et du renforcement des capacités dans le processus d’évaluation.

Cette version, un résumé destiné aux décideurs d’une version au titre similaire plus détaillée, établit un lien fondamental entre l’empowerment (capacitation, autonomisation), la lutte contre la pauvreté et le développement durable. Le document définit la pauvreté non seulement comme un manque de ressources, mais comme un manque d’accès à des options et des droits (« entitlements »), et l’appauvrissement (« impoverishment ») comme un processus actif de disempowerment (perte de pouvoir d’agir), souvent lié à des mécanismes mondiaux comme la dégradation environnementale, l’endettement ou le commerce inéquitable. L’empowerment est présenté comme le mécanisme clé pour inverser ces tendances, en renforçant la capacité des communautés à répondre aux changements, à innover et à définir leurs propres objectifs. Le rapport identifie plusieurs « points d’entrée » pour favoriser l’empowerment, incluant l’éducation adaptée, la validation des savoirs locaux, l’accès aux technologies appropriées, la gestion communautaire des ressources, et des réformes légales et institutionnelles.

Ce chapitre s’inscrit dans le contexte de l’intervention sociale préventive et communautaire. L’auteur part du constat que, bien que séduisante, l’idée d’empowerment (capacitation citoyenne) souffre d’un manque de définition claire qui limite son application pratique. Kieffer propose une nouvelle perspective : voir l’empowerment non pas comme un état final, mais comme un processus développemental à long terme d’apprentissage. L’empowerment s’apparente ainsi au développement continu d’une compétence participative multidimensionnelle, qui intègre des changements à la fois sur le plan cognitif (la manière de penser, la conscience critique) et comportemental (les actions, les savoir-faire).

Articles

Cet article examine comment les idées sociologiques sur la jeunesse évoluent et comment ces idées sont adoptées (ou non) dans les politiques publiques en France. Depuis le début des années 2000, l’idée de voir la jeunesse comme une « génération » à part entière gagne du terrain, en partie grâce à la popularité croissante de la philosophie de « l’empowerment » (autonomisation, capacitation). Cependant, l’auteure constate un décalage important : ce changement se situe surtout au niveau des idées et de la manière de penser, tandis que les outils concrets de l’action publique (les programmes, les dispositifs) restent majoritairement conçus dans une logique de « réparation » (visant à corriger des problèmes ou des manques).


L’article explore le concept de l’évaluation axée sur l’empowerment (Empowerment Evaluation – EE). L’évaluation axée sur l’empowerment (EE) vise à développer l’autodétermination et les capacités des participants. L’évaluateur en EE a un rôle de concepteur de stratégies d’émancipation. Les produits de l’EE sont doubles : ceux issus du processus (estime de soi, compétences, conscience critique) et ceux résultant du réajustement des objectifs en fonction des priorités des acteurs. Les approches de type « coaching socratique » et « accompagnement structuré » sont présentées comme étant plus alignées sur les principes de l’EE et plus susceptibles de produire des effets significatifs en termes d’empowerment, par rapport à une évaluation participative plus générale.

L’article aborde les défis liés à l’évaluation de l’empowerment des femmes dans le contexte des programmes de microfinance en Inde.

Les auteurs exposent les nuances entre le discours promotionnel sur l’empowerment par la microfinance et la réalité vécue par certaines femmes, notamment en termes de surcharge de travail ou de récupération politique des SHG (self help group ou groupement solidaire féminin). L’article préconise l’utilisation impérative d’approches d’évaluation participatives l’implication active des femmes bénéficiaires dans toutes les étapes du cycle de projet. L’empowerment est multidimensionnel et ne se limite pas à l’aspect économique mais inclut également le bien-être et l’empowerment social, politique et légal. Les projets devraient être conçus de manière évolutive plutôt que planifiés de A à Z de manière rigide.

Les auteurs orientent vers des expériences où les femmes participent à l’élaboration des critères et indicateurs d’évaluation de leur propre situation (auto-évaluation de groupes) avec notamment une remise en question de l’hypothèse simpliste selon laquelle l’accès au microcrédit se traduit automatiquement par un empowerment, en soulignant les ambiguïtés et les effets pervers possibles. 

Le Bossé explore la notion d’“empowerment” en soulignant son manque de clarté conceptuelle et les difficultés de traduction en français. Il propose le « développement du pouvoir d’agir » (DPA) comme traduction plus appropriée. Cette nouvelle approche met l’accent sur la capacité des personnes et des collectivités à influencer leur réalité en articulant ressources individuelles et structurelles.

Il met en lumière le paradoxe où l’empowerment est élevé au rang de vertu incantatoire sans définition précise ni outils d’évaluation. L’auteur insiste sur la nécessité de « développer des indicateurs de performance communs qui permettraient une véritable évaluation de son potentiel réformateur ».

Le Bossé s’inscrit dans un courant critique des pratiques sociales traditionnelles, jugées « technocratiques et dominateurs » et menant à la « double victimisation », l' »infantilisation » et la « stigmatisation ». La « notion de self-empowerment sous-entend que seul le changement individuel suffit pour accroître son contrôle sur ce qui est important pour soi et sa  communauté. » L’auteur contredit cette idée en insistant sur l’importance simultanée des conditions structurelles et individuelles du changement social.

L’article aborde la problématique de l’évaluation des projets de travail de rue, notamment en milieu rural québécois et expose tout d’abord l’inadéquation des méthodes d’évaluation traditionnelles qui ne tiennent pas compte des valeurs (empowerment, autonomie) et du contexte spécifique de ces interventions

Le processus évaluatif n’est pas vu comme une simple mesure neutre a posteriori, mais comme une intervention en soi, capable de produire des changements (empowerment, amélioration des pratiques) chez ceux qui y participent.

L’étude de cas se concentre sur un projet spécifique en milieu rural québécois (Bellechasse) avec une équipe de TR particulièrement motivée et engagée dans le processus. La reproductibilité et l’acceptation d’un tel investissement de la part des TR pourraient cependant varier dans d’autres contextes ou avec d’autres équipes.

  • Empowerment and Synergy : Expanding the community’s healing ressources. Prevention in Human Services. 3. P. 201-226, Richard Katz, 1984

Ce texte propose une alternative au paradigme classique de la rareté, qui suppose que les ressources sont limitées et que les individus doivent donc être en concurrence. L’alternative, appelée paradigme de la synergie, se manifeste dans des communautés où les ressources humaines sont renouvelables, en expansion et partagées équitablement : ce qui est bénéfique pour un membre profite à tous, et l’ensemble est supérieur à la somme des parties.

Trois études de terrain (chez les pKung du Botswana, les insulaires de Fidji et des personnes liées à des centres de santé communautaires urbains aux États-Unis) montrent que l’autonomisation (empowerment), définie comme l’accès et le contrôle des ressources de guérison communautaire, fonctionne selon ce paradigme synergique. Face aux inégalités actuelles dans la distribution des ressources, l’éducation transformatrice est proposée pour favoriser le passage à une pensée fondée sur la synergie.

Autres ressources en évaluation par secteur

Date de première publication : 2015
Dernière actualisation : 2025