Le consensus, mot latin signifiant accord, sentiment commun, adhésion est une forme aboutie de processus de prise de décision collective. Etre d’accord ensemble maintenant mais aussi être d’accord ensemble sur le temps long.
C’est pourquoi l’intégration de méthodes et règles de construction de consensus sont à intégrer à chaque étape du cycle de projet tout comme le suivi de consensus. A l’inverse la détection de dissensus, de divergence d’opinions, de valeurs, d’intérêts doit être exposée au plus tôt au risque de faire dérailler le système. De la même manière, en physiologie, le consensus est l’interdépendance de plusieurs organes dans l’accomplissement de fonction vitales. Le consensus intègre donc une part de systémique. Comment à travers l’exposition détaillée des intérêts individuels trancher pour prendre un décision favorable aux intérêts ou aux valeurs communes ?
Lorsque le consensus aboutit, contrairement au compromis, la mise en oeuvre est facilitée par l’adhésion et le soutien de l’ensemble des parties prenantes. La construction de consensus implique donc un temps long au démarrage, de dialogue, de débat, d’exposition détaillée des motifs de désaccord et de leurs causes profondes, d’une exposition des valeurs, visant néanmoins à solidifier le socle d’une vision commune qui une fois obtenue implique l’engagement de l’ensemble des acteurs.
La fabrique de consensus passe par un certain nombres de règles :
- l’écoute de chaque point de vue de manière approfondie et détaillé
- un écoute bienveillante dans le respect des opinions divergentes
- la mise en contradiction
- une égalité des temps de parole ou des moyens mis à disposition
- être disposé à modifier ses positions
- être en phase avec la méthode
En gestion de projet la construction de consensus doit être recherchée à chaque séminaire suivi évaluation apprentissage et tout au long du cycle de projet :
1. Phase de diagnostic/compréhension du contexte
Est-ce que les données de départ sont suffisantes pour établir un diagnostic ? Est-ce que le diagnostic de départ est partagé ? Est-ce que ce diagnostic de départ repose sur des valeurs et des principes partagés ?
2. Modélisation de la réponse
Est-ce que le scénario de réponse (voir les différents formats de modélisation) est accepté/validé par l’ensemble des protagonistes ? Est-ce que l’action repose sur des valeurs partagées ?
3. Structuration du système de suivi évaluation
Est-ce que les questions évaluatives, les critères ou les indicateurs reflètent l’ensemble des points de vue exprimés lors des sessions précédentes ?
4. Phase opérationnelle
Est-ce que chaque réorientation opérationnelle ou stratégique a fait l’objet d’un débat contradictoire ? Est-ce que chaque adaptation de la stratégie adoptée est documentée ?
5. Phase de clôture
Est-ce que les constats sont partagés ? Est-ce que les enseignements sont partagés ? Est-ce que les recommandations ont fait l’objet d’un débat contradictoire ?
6. Phase de renouvellement d’un cycle ou de programmation
Existe-t-il un consensus sur les réorientations à apporter au prochain cycle ? La poursuite des objectifs est-elle partagée ? Le budget devrait-il être modifié ? L’équipe ou les parties prenantes sont-ils toujours en phase en terme de valeurs ?
La modération des débats contradictoires est réalisée par les équipes de Suivi Evaluation Apprentissage (voir les métiers de l’évaluation). La construction de consensus intègre la gouvernance de la structure afin que les débats contradictoires se pratiquent d’une part sur les différents périmètres (projets, programmes, départements, unités, zones géographiques, domaines d’action, etc.) mais encore en interrelation entre chaque périmètre.

Le rôle du facilitateur
- le facilitateur expose les objectifs, le fonctionnement du groupe,
- accompagne le groupe pour fixer le calendrier, les délais ou la durée de chaque séquence
- fait en sorte de distribuer la parole de manière équilibrée
- propose une écoute active,
- instaure un climat de confiance
- mène la discussion, se concentre sur une problématique à la fois jusqu’à sa résolution
- maintien la neutralité, reste impartial
- favorise les questions ouvertes pour clarifier les points de vue
- chacun doit pouvoir s’exprimer longuement, aller jusqu’au bout de son raisonnement, sans être interrompu
- inversement, le débat contradictoire permet aux autres parties de répondre de manière détaillé
- établi des sous-groupes de travail, mixe les équipes,
- reformule et transcris la décision adoptée
Les principes de fonctionnement pour les participants :
- s’exprimer clairement, avec sincérité
- être ouvert et réceptif aux idées des autres
- éviter les paroles blessantes ou destructrices
- sortir des attaques personnelles et viser l’intérêt général
- respecter les opinions de l’ensemble des participants
- être prêt à apprendre, à faire évoluer ses positions
L’intérêt de la prise de décision par consensus
La décision n’émerge pas d’un vote, laissant des gagnants et des perdants mais d’une construction progressive. Chaque participant a la possibilité d’influencer et de modeler la décision. La durée du processus permet une maturation des idées et une compréhension mutuelle approfondie. Chaque participant minoritaire ou majoritaire est partie-prenante sur la durée et endosse la décision finale.
Quelques critères d’évaluation d’un processus de construction de consensus : degré d’adhésion avec la décision finale, temps consacré, égalité de parole, respect mutuel, altération de positions, neutralité du modérateur, engagement continu des participants sur la durée
La construction de consensus s’intègre aux espaces de discussion nécessaire à la matérialisation d’un environnement propice à l’évaluation. Documentés, les échanges qui s’instaurent durant ces réunions permettent de visualiser les critères et les valeurs sur lesquelles s’élaborent la prise de décision. L’évolution de ces critères et valeurs constituent le socle de chaque étape de mise en place du système de suivi et évaluation.
La construction de consensus : en bref
Le consensus est un processus de décision collective visant l’accord de tous les participants. Distinct du simple compromis, le consensus facilite la mise en œuvre de la décision grâce à une adhésion plus profonde.
La construction du consensus nécessite un temps long de dialogue et de débat pour exposer les désaccords et leurs causes, afin de bâtir une vision commune. Elle repose sur des règles comme l’écoute bienveillante, l’égalité de parole, et la disposition à modifier ses positions. Dans la gestion de projet, le consensus doit être recherché à chaque phase : diagnostic, modélisation de la réponse, validation du système de suivi-évaluation, phase opérationnelle, clôture et renouvellement.
Cela implique de vérifier régulièrement si les décisions, valeurs et objectifs sont partagés. L’intérêt du consensus est de permettre une décision construite collectivement et progressivement, où chacun peut influencer l’issue, favoriser une compréhension mutuelle, refléter les valeurs qui guident la prise de décision.
Pour aller plus loin
Ressources externes
- Inspired : phase de construction du consensus
- Building State Capability: Evidence, Analysis, Action, Oxford University Press, Andrews, Matthew, Lant Pritchett, and Michael Woolcock. 2017
Date de 1ère diffusion : juin 2024
Sébastien Galéa