Principes, normes, standards : glossaire

Nous nous emploierons ici à essayer d’esquisser quelques principes fondamentaux, normes, standards et règles d’évaluation. Tout d’abord en partant de la définition initiale de chaque terme. Puis en les contextualisant à la pratique évaluative, notamment à partir de leur appropriation au niveau institutionnel, par exemple les Principes du CAD pour l’évaluation de l’aide au développement (1991), les Normes et règles d’évaluation du GNUE (2016) ou encore les standards du JCSEE (Joint Committee on Standards for Educational Evaluation).

Principes

Emprunté du latin principium, « commencement », lui-même dérivé de princeps, « qui occupe la première place ».

  1. Origine, source ; cause première.

Dictionnaire de l’académie française

  1. Base sur laquelle repose l’organisation de quelque chose, ou qui en régit le fonctionnement

Larousse

Nous posons ici les principes d’évaluation comme éléments constitutifs et socle de la discipline de l’évaluation. 

Des fondements, comme autant de lignes jaunes infranchissables. Des principes qui délimitent la discipline, en l’absence desquels l’évaluation n’est plus. 

Les considérations concernant l’organisation ou le fonctionnement de l’évaluation seront abordées par la suite à travers les normes. Ainsi, « à la source », des principes gravés dans le marbre puis des normes comme autant d’éléments de référence vers lequel il nous faudrait tendre.

Aussi, des principes « actifs » qui ont vocation à infuser et influer sur les missions de services publiques des institutions qui portent l’évaluation, à adapter et faire évoluer leur mandat au service de l’intérêt général.

Les documents de référence à partir desquels sont extraits les principes d’évaluation ci-dessous s’inscrivent généralement dans des contextes institutionnels où des unités indépendantes d’évaluation sont opérationnelles ou dans le cadre d’évaluation externes.

Nous présentons ici ces mêmes principes à vocation à être utilisés dans le cadre de la mise en place de systèmes de suivi et évaluation. Si les principes sont immuables, ceux-ci sont à apprécier en fonction de ce contexte, des rôles et responsabilités de chacun dans la mise en place du système. 

A noter également, au fil des actualisations des politiques d’évaluation des acteurs institutionnels, une tendance similaire avec l’apparition, par exemple, de chapitres sur l’autoévaluation ou une déclinaison des responsabilités de plus en plus précise, englobant toute la chaine de responsabilité.

Variations sur le même thème

Si une certaine confusion peut être générée par l’utilisation indistincte des termes principes, normes ou standards, une certaine cohérence existe sur le fond et les principes sélectionnés et mis en avant. 

Par ailleurs, ces principes sont interdépendants et s’enrichissent mutuellement. Chaque principe pouvant être considéré jusqu’à un certain point comme condition préalable au suivant : pas de crédibilité sans transparence, pas d’utilité sans crédibilité, etc.

Utilité, impartialité, indépendance, transparence, crédibilité, qualité, compétence, déontologie font partie des principes récurrents.

Les récents principes africains de l’évaluation (2021), sur des piliers similaires, laissent cependant transparaitre dans leur exposition les faiblesses issues de la mise en application des principes initiaux et orientent explicitement vers les bases à consolider : la consultation (« rien à propos de nous, sans nous »), une redevabilité mutuelle, des responsabilités équilibrées, la sensibilité culturelle ou encore un cadre de relations de confiance.

Utilité

L’utilité est une boussole essentielle en ce sens où elle considère si le système sert et oriente la finalité de l’institution qui le porte. [Ou encore d’une constellation d’institutions, de communautés ou de populations si les systèmes sont interconnectés.] 

L’utilité s’observe ainsi en premier et en dernier lieu sur les usagers ou citoyens qu’un organisme d’intérêt général ou une mission de service public est censée servir.

Pour autant le système doit satisfaire chaque strate et chaque élément de l’organisation avec des données utiles et utilisables. L’évaluation peut répondre à des questions très spécifiques émises par chaque service, ou encore éclairer les besoins d’apprentissages de partenaires.

L’utilité repose sur le respect des principes et des normes déclinées ci-dessous et en particulier des considérations en lien avec l’utilisation des données de suivi et d’évaluation.

L’utilité questionne la capacité du système, au regard de la finalité d’une institution,  à générer des conséquences positives au service du bien commun. Alternativement dans sa capacité à réorienter sa finalité au regard du bien commun. Ici, l’utilité résulte in fine de la capacité du système a accompagner l’éclosion de nouveaux systèmes de valeurs, ainsi de créer les conditions de l’émergence de nouveaux comportements.

Bien sûr la temporalité, la qualité, la gouvernance de l’évaluation conditionnent et façonnent son utilité. Inversement l’utilité influe sur l’utilisation : le système sera opérationnel et dynamique uniquement s’il sert au quotidien l’ensemble de ses utilisateurs.

La temporalité est un facteur clé pour l’utilité dans la capacité d’une institution à éviter des dérives :

  • éclairer la prise de décision en amont de la prise de décision 
  • générer un apprentissage dans la mesure du possible en temps réel, afin de permettre à des pairs, moins avancés sur des problématiques similaires, de bénéficier en toute transparence et confiance des tâtonnements initiaux de programmes précurseurs
  • une redevabilité précoce évite la reproduction ou l’installation de dysfonctionnements dans le temps

L’utilité est aussi liée à la pertinence : la capacité de générer des questions évaluatives (et bien sûr à terme y répondre) en lien avec les différents niveaux d’intérêt de chaque partie prenante, autant sur des aspects opérationnels que stratégiques. Dans des contextes de systèmes aux ressources restreintes, la capacité de trier et hiérarchiser ces questions évaluatives.

Consultation

La consultation concerne la capacité du système à recueillir un ensemble et une diversité de points de vue.

D’une part, donner systématiquement voix aux acteurs les plus éloignés des instances de prise de décision. D’autre part un simple réflexe ou bonne pratique, tel un médecin qui sollicite un confrère lorsqu’il fait face à un cas complexe et expose des doutes plutôt qu’un jugement tranché. 

Bien sûr, la consultation s’insère à un niveau modeste sur une échelle de participation (voir échelle d’Arnstein par exemple). Les modalités de consultation sont à ainsi à replacer dans leur contexte, en fonction du rôle et degré de responsabilités de chaque partie prenante. Le principe de consultation mène à une analyse de la concertation, de la coordination, de la qualité des partenariats. Il s’agit de la prise en compte de chaque partie prenante dans le système : populations concernées, autorités locales, société civile, représentants de l’État, secteur privé,… Mais également des instances en charge de l’évaluation au sein de ces institutions. Enfin, bien sûr, savoir écouter les agents en charge de la mise en oeuvre de l’action, en première position pour apprécier et réagir à d’éventuels dysfonctionnements.

Ces processus collaboratifs nécessitent d’être anticipés et intégrés, afin de mettre à jour en amont de la mise en oeuvre les enjeux de pouvoirs, logiques de contournement et éventuels effets pervers, ceci afin de suivre et adapter au plus tôt les modélisations (projets, mesures, règlement et législation). 

Puisqu’il s’agit d’un principe « à minima », celui-ci doit s’accompagner de mécanismes explicites non seulement pour donner vie à la consultation mais surtout déclencher des actions correctives à des pratiques latentes d’absence d’espace de dialogue, de prise de parole, d’opportunité d’émettre un avis divergeant.

Le concertation s’inscrit ainsi aussi bien dans les éléments structurants du système (son périmètre, des entités, un réseau) que fonctionnels (des flux, des centres de décision, des boucles de rétroaction). Par ailleurs, l’interaction, dans laquelle s’inscrit par défaut la concertation, est un principe même de la systémique

Transparence

La transparence est transversale et s’apprécie sur un nombre de considérations multiples. 

S’intègre ici par exemple  :

Transparence du système : publication d’une politique d’évaluation, de son fonctionnement, de son mode de gouvernance, de son budget, de la transposition des principes, normes, éthique et déontologie.

La politique de divulgation doit être communiquée et les formats clairs, pédagogiques et adaptés à leur utilisation, c’est à dire aux besoins de chaque partie prenante. La base de données des évaluations doit être accessible aussi facilement que les fiches détaillant les projets et programmes lorsqu’ils sont en cours d’exécution.

Transparence sur les décisions et modalités de prise de décision 

Le système de suivi et évaluation documente le lien entre les évaluations et les modalités de prise de décisions. En quoi des décisions stratégiques et opérationnelles s’appuient sur des travaux issus du suivi et évaluation ou plus globalement la fabrique de la décision.

Transparence des processus

Par exemple pour une évaluation externe, la transparence du processus de recrutement et de sélection de l’équipe d’évaluation, l’absence de lien avec l’intervention à évaluer ou avec la direction de l’action à évaluer. Exposer aussi bien l’objet de l’évaluation, que son calendrier, les méthodes employées, les données sur lesquelles reposent les recommandations. Les échanges concernant les conclusions ou encore le suivi des recommandations, doivent être accessibles et explicites.

Transparence interne et externe

Si la transparence est souvent pensée en premier lieu en terme de redevabilité auprès du public, celle-ci doit également être considérée en terme de fonctionnement interne. La rétention d’information est ainsi a considérer en terme de répercussion sur l’efficacité d’une intervention mais aussi en terme en management, de cohésion d’équipe et d’apprentissage. En dehors de process pré-établis, la transparence s’apprécie à travers l’instauration d’une relation de confiance, franche, reposant également sur l’intégrité. 

Transparence sur les valeurs, les principes, les hypothèses

L’analyse, l’adhésion aux objectifs, les appréciations permettant d’émettre orientations et hypothèses s’appuient sur un certain nombre de valeurs, implicites ou explicites, que chaque acteur du système devra s’attacher à expliciter. 

Transparence sur les limites

Chaque processus évaluatif fera face à des limites en terme de méthodes, de moyens, d’accès aux parties prenantes, d’accès aux données, de capacité d’analyse, d’adaptation des questions évaluatives en cours de process. Ces limites sont exposées et encouragées à être exposées quel que soit le support.

Transparence sur l’utilisation des données

Chaque personne consentant de partager des données ou son opinion doit être informée en amont de l’utilisation qui sera faite de ses données. Aussi bien sur des aspects réglementaires de protection des données (RGPD) que des enjeux sur les conséquences de l’évaluation, en lien avec son objectif partagé (par exemple l’arrêt définitif d’un programme).

Transparence sur les prises de positions divergentes

Toute prise de position divergente, aussi bien au sein d’une équipe d’évaluation, entre une équipe d’évaluation et ses commanditaires, entre un commanditaire et des parties prenantes, entre une unité d’évaluation indépendante et une équipe de suivi évaluation au niveau d’un programme, etc. doit être documentée et s’insérer dans une démarche de transparence en lien avec les arbitrages et les processus de prise de décision évoqués ci-dessus, mais également afin de nourrir l’apprentissage.

Indépendance

Le principe d’indépendance repose sur une recherche d’impartialité. Le recours à un service disposant d’une autonomie pleine et entière à l’égard de l’objet évalué est ainsi un gage de crédibilité. Dans une dimension de réédition de comptes, l’indépendance de la fonction évaluation favorise la transparence à travers la recherche d’un regard extérieur, supposément et autant que possible, neutre.

Des évaluations externes sont ainsi réalisées par des unités distinctes de celles chargées de la conception et mise en oeuvre des interventions. L’indépendance concerne une multitude de facette de l’évaluation : la sélection du type d’évaluation, la planification des évaluations à venir, une autonomie dans le choix des questions évaluatives : du périmètre le plus opérationnel au plus stratégique. Une large marge de manoeuvre dans le type de données collectées, le choix des parties prenantes à interroger, etc. Le profil de directeur/directrice de l’unité d’évaluation indépendante est également un élément de considération. 

Ainsi l’indépendance figure ainsi souvent en bonne place dans les principes d’évaluation. Néanmoins un heureux virage a été amorcé par diverses institutions pour affirmer que l’indépendance ne représente qu’un pilier dans un système de SE et ce en fonction des rôles et responsabilités confiés à chaque élément de ce système. 

L’auto-évaluation ou l’évaluation interne n’ont pas pour vocation à être indépendants. Les qualités de la fonction de chargé de suivi, de capitalisation, de responsable évaluation sur un programme, au niveau du terrain reposeront, par exemple, sur sa qualité d’analyse, sa rigueur dans la collecte des données, sa bonne connaissance du terrain et de l’historique ayant conduit à l’émergence des résultats, ses capacités de vulgarisateur, etc. Ce n’est pas son indépendance qui est ici recherchée, puisque partie intégrante de l’action. Au contraire, il est souhaité que le Suivi Evaluation favorise et oriente les progrès, en temps réel, de ne pas se contenter d’un simple rôle d’observateur neutre et indépendant.

Pour autant, les positions internes de suivi évaluation ne se dimensionnent pas sous l’autorité absolue du responsable hiérarchique d’une intervention. Les postes sont régulées par les normes et principes de la discipline comme évoqué ici même. Le chargé de SE est par ailleurs redevable  au niveau des bénéficiaires de l’action auprès de laquelle son institution s’est engagée, pour faire remonter l’ensemble de voix. 

Enfin l’unité d’évaluation indépendante joue un rôle dans la conformité des données, des méthodes et de leur uniformisation à travers les différents contextes d’intervention.

Dans cet exemple, extrait de la politique d’évaluation du FIDA, le bureau d’évaluation indépendant indique valider certains produits de l’autoévaluation. Pour être en mesure de valider, il faudra par définition en amont consulter, concerter, discuter, échanger … avant enfin de pouvoir se positionner. Toute la démarche est ainsi susceptible de faire évoluer la qualité des produits d’évaluation.

Norme

  • Type, état, comportement qui peut être pris pour référence ; modèle, principe directeur qu’on tire de l’observation du plus grand nombre. 

Dictionnaire de l’académie française

  • Règle, loi dans un domaine artistique, scientifique, technique; conditions que doit respecter une réalisation; prescription qu’il convient de suivre dans l’étude d’une science, la pratique d’une activité, d’un art.

CNRTL

Les normes fournissent un cadre de référence, des règles et des prescriptions régissant une pratique. 

Des normes peuvent être internes à une organisation ou partagées. Celles-ci ne sont pas forcément opposables, contrairement à un règlement. 

Nous nous intéressons ainsi ici à la définition de la norme, comme cadre de référence, dans la discipline de l’évaluation. Des normes professionnelles qui s’appliquent aux évaluateurs-évaluatrices mais également et sans lesquelles la discipline serait vaine, les normes institutionnelles dans lesquelles s’inscrivent la discipline.

Or, une limite de la discipline de l’évaluation est l’absence d’organe régulateur mandaté au niveau international et des avancées disparates aux échelons nationaux. 

Bien sûr, le cumul généralisé des normes apparait parallèlement comme un frein à la créativité. La question de l’élaboration des normes ne peut être abordée sans celle de leur actualisation, de leur acceptation  ou des opportunités de leurs transgression. 

Pour autant, en ce qui concerne la discipline de l’évaluation, nous ne pouvons que saluer toute initiative visant une consolidation de ces normes : utilisation d’un langage commun, clarification et harmonisation des pratiques. 

Aucun éloge à la transgression ainsi si celle-ci s’applique sur des zones floues et mouvantes.

Les normes ne sont pas des recettes du métiers ou chaque ingrédient serait millimétré et calibré. Elles établissent néanmoins une liste de fondamentaux qui serviront de points de repère pour les non-initiés et surtout ont vocation à être prolongées en signaux d’alarme, en questionnements techniques ou éthiques si des écarts à la norme sont constatés.

En 2010, le CAD de l’OCDE propose 37 normes « comme autant de qualités nécessaires pour garantir la qualité des processus et des produits des évaluations. » dans le document « Normes de qualité pour l’évaluation du développement ».

Normes du Comité d’Aide au Développement de l’OCDE
Exemples de normes parmi les 37 proposées par le CAD en 2010.
Normes et règles d’évaluation du Groupe des Nations Unies pour l’Évaluation

En 2016, le GNUE actualise les Normes et règles d’évaluation applicables dans le système des Nations Unies de sa version initiale de 2005. Celui-ci établi dix normes générales applicables lors de la réalisation de toute évaluation mais également quatre normes institutionnelles relatives à la gestion et gouvernance des fonctions d’évaluation. Des « règles » associées soutiennent la mise en œuvre de ces principes normatifs. A noter que règle est ici la traduction de « standard » dans la version originale en anglais.

Les NORMES générales d’évaluation déclinées par le Groupe des Nations Unies pour l’évaluation. Notons que l’impartialité et l’indépendance, la crédibilité, l’utilité apparaissent sous forme de PRINCIPES pour le CAD (Principes du CAD pour l’évaluation de l’aide au développement, 1991)

Chaque norme, déclinée ici en tant que pilier fondamental est ainsi présentée brièvement et dans ces grandes orientations. Par exemple pour l’indépendance, l’institutionnalisation d’un cadre permettant la liberté de parole, un suivi des pressions, des contraintes, d’influences sur l’équipe d’évaluation ; une déconnexion des enjeux de carrières et d’enrichissement personnel, de risque de mise au placard, l’absence de conflits d’intérêts. 

Mais aussi l’indépendance en permettant une reddition de compte au niveau des organes de gouvernance et non uniquement des instances de direction afin d’éviter d’être juge et partie. Indépendance dans la sélection de questions évaluatives stratégiques, des périmètres d’évaluation, des commandes, des équipes, de la diffusion et de la publication. Ou encore de ressources financières adaptés en adéquation avec la politique d’évaluation. 

Les normes générales de l’évaluation, au sens de la discipline de l’évaluation se prolongent donc par des normes institutionnelles : 

  • un environnement institutionnel favorable à l’évaluation
  • une politique d’évaluation bien définie
  • la répartition des responsabilités
  • l’utilisation et le suivi de l’évaluation

En distinguant « normes générales » et « normes institutionnelles », l’UNEG aborde un point crucial : l’architecture de l’évaluation au sein d’une institution. Son positionnement au sein de l’organigramme par exemple, n’est pas entre les mains de professionnels de l’évaluation. Etablir des normes contribue à analyser et pouvoir distinguer  les différents types d’environnements, plus ou moins propices à l’intégration des fonctions évaluations. 

La problématique n’est pas technique mais stratégique, politique et liée au mode de gouvernance. Peu importe par exemple si des termes de référence sont initialement rédigés par un agent novice en évaluation, c’est justement le rôle et la fonction des responsables évaluation de faire monter en compétences les équipes sur certaines normes préalablement mentionnées ci-dessus. 

Dans le cadre de système de suivi évaluation balbutiant néanmoins, les outils permettant la gouvernance de l’évaluation tels que déclinés ici (politique de SE, charte SE, normes et standards, manuels SE, etc.) peuvent demeurer inachevés, inappliqués ou encore « le fait du prince ».

Nous revenons ainsi au concept de triple-peine. Des équipes transparentes et motivées pour lesquelles le suivi évaluation est une lourde remorque à charger sans pour autant bénéficier des fonctions d’appui au pilotage. Parallèlement, permettre à des programmes au fonctionnement délibérément opaque de produire et diffuser en guise de redevabilité des litanies de succès. A titre de métaphore, plus le ciel s’assombri et plus la météo des projets est présentée au beau fixe. Concrètement, plus les projets étincelants sur le papier se succèdent et plus le climat se réchauffe néanmoins. 

D’un part cela nécessite, de suivre et évaluer, les « vents contraires » avec tout autant de précision que les projets et programmes que nous évaluons. Par exemple, dans un programme contribuant à limiter les energies fossiles, combien d’autres initiatives parallèles accélérant l’utilisation d’énergies fossiles ?

D’autre part, cela nécessite de systématiser l’évaluation au sein des institutions. Des évaluations modèles et ambitieuses, qui cochent toutes les cases en termes de normes d’évaluation mentionnées ci-dessus, certes participent à promouvoir une culture de l’évaluation, à donner envie et à prouver l’utilité potentielle d’un format mais ne sont pas encore représentatives d’un tout. 

A titre d’exemple ou de bonne pratique, cette politique d’évaluation révisée du PAM présente la couverture des évaluations. La fréquence, le périmètre ou encore la proportion de stratégie/politique/programme/projets/activités et anticipé et programmé.

Standard

  • élément de référence, règle fixée pour définir ou évaluer un produit, une méthode de travail, une quantité à produire, le montant d’un budget. (nom)
  • qui est conforme à un type déterminé, dont les caractéristiques peuvent servir de référence (adjectif)

CNRTL

Un standard d’évaluation est ainsi un modèle de référence, une norme adoptée par l’usage. 

A noter que norme se traduit en anglais par standard. La littérature émanant des normes et standards d’évaluation étant avant tout anglophone, les 2 termes s’emploient ainsi indistinctement. Les premiers travaux de référencement des normes et standards d’évaluation, publiés dans les années 1980 aux Etats-Unis (voir ici) emploient bien le terme standard (voir également Professional standards and principles for evaluations for evaluations, Daniel L. Stufflebeam pour une perspective historique).

Un format de présentation consiste ainsi à extraire un standard de référence puis à le décliner en différents critères.

Il est intéressant de signaler que ces travaux de référence du JCSEE (Joint Committee on Standards for Educational Evaluation) ont pour racine le secteur l’éducation. Egalement, suite à une première publication ayant pour champ l’évaluation de programmes (1981), le comité a également dirigé des travaux sur l’évaluation du personnel (de l’éducation) puis sur l’évaluation des élèves.

Le JCSEE précise que les standards sont déclaratifs, des énoncés, mais que ceux-ci s’accompagnent de guides pratiques et de mise en situation.

A titre d’exemple d’exploitation francophone du terme standard, les standards de la société suisse d’évaluation sont au nombre de 27 et ont été classés en trois catégories qui reprennent la temporalité de l’évaluation. En amont, des principes de portée générale. Ensuite, des standards liés à la planification et réalisation. Enfin un groupe de standards portant sur l’appréciation et communication des résultats. Il est précisé dès l’introduction que ses standards sont formulés sous forme de principes fondamentaux. Par ailleurs, il s’agit d’une traduction d’un texte original en allemand.

A noter cette distinction également : en tant qu’adjectif, standard s’entend comme modèle, gabarit

Le terme pourra s’appliquer ainsi à différents outils, canevas et templates : un format de rapportage standard, un format de cadre logique standard, un format de termes de références standards.

Si la standardisation est un frein à la personnalisation des outils et indirectement à son appropriation, cette standardisation des outils permet néanmoins une meilleure réactivité (éviter de re-inventer les outils à chaque projet…) et contribue à une comparabilité des pratiques.

Le système de suivi et évaluation, présenté comme sur mesure, tout comme la démarche HQSE qui préconise créativité et figures libres, doivent ainsi trouver un juste compromis afin d’intégrer autant que nécessaire jeu de critères standardisés (comme celui du CAD), questions évaluatives standardisées, échelles de notations standardisées, etc.

Si une distinction doit être trouvée dans l’utilisation des 2 termes (norme ou standard ?) pour envisager la description d’une politique d’évaluation, revenons dans la définition de standard comme une : « norme adoptée par l’usage. ». 

Ainsi, la norme est la référence vers laquelle il faut tendre pour la pratique de l’évaluation dans une organisation. Le standard par contre est déjà existant et acquis. 

Règle 

Ce qui est imposé ou adopté comme ligne directrice de conduite ; formule qui indique ce qui doit être fait dans un cas déterminé

LeRobert

Prescription normative généralement relative à une zone flottante de l’usage

CNTRL

Intéressons-nous ici tout d’abord à la définition du verbe «  régler » :

modifier ou réguler de manière à obtenir une précision ou à se conformer à une norme.

Les règles, en tant que prescriptions, vont permettre de fixer les principes et les normes présentées ci-dessus. 

Dans le documents de référence de l’UNEG déjà évoqué (Normes et règles d’évaluation du Groupe des Nations Unies pour l’évaluation), 24 règles sont édictées autour de 5 thématiques :

  • Règle 1 : Cadre institutionnel
  • Règle 2 : Gestion de la fonction d’évaluation
  • Règle 3 : Compétences en matière d’évaluation
  • Règle 4 : Réalisation des évaluations
  • Règle 5 : Qualité

Chaque règle est ensuite déclinée en un certain nombre de prescriptions, par exemple :

➡ Règle 27 : il convient de mettre en place un dispositif permettant à l’organe directeur et/ou aux responsables de l’organisation de vérifier et de valider le plan d’évaluation.

➡ Règle 31 : L’organisation doit disposer d’un dispositif de contrôle permettant de vérifier que la direction répond bien aux évaluations et que les mesures contenues dans ses réponses sont pertinentes afin de pouvoir donner suite aux recommandations acceptées, et que les recommandations sont correctement mises en œuvre.

Des règles plus ou moins explicites et à minima binaires : soit un plan d’évaluation a été validé soit il ne l’a pas été. L’application de la règle s’appuie ainsi sur des process, comme le circuit de validation d’un plan d’évaluation.

Puisque « règle » est ici la traduction de standard, la référence à des règles sera très peu utilisée dans les pages dédiés à la mise en place d’un Système de Suivi et Evaluation.

Dans l’objet d’expliciter et de mettre en application les normes, le vocabulaire choisi sera plutôt en lien avec des méthodes, des process, des procédures, des références au cadre contractuel ou encore des notions d’engagements interne, ceci en fonction du niveau contrainte (par exemple un cadre légal) ou des effets recherchés (par exemple un changement de pratique).

Dans ce dispositif de transposition de la norme à la « règle », permettant le fonctionnement effectif puis la régulation du système de suivi évaluation, plusieurs enjeux demeurent, quel que soit le vocabulaire choisi pour expliciter ces règles. Ainsi ses règles doivent permettre :

  • une garantie de rigueur méthodologique et de fiabilité des données 
  • d’accroitre les possibilités d’agrégation des données via des pratiques harmonisées et partagées
  • de mettre en place des processus permettant de détecter et traiter les écarts à la règle, que faire en cas de franchissement de ligne jaune ? 

Aussi, une règle risque d’être considérée comme un simple procédé, une application du règlement. Or, la règle numéro 1 de l’UNEG nous rappelle à quel point la régulation de l’évaluation ne se suffit pas à elle même et repose sur le mode de gouvernance de l’institution qui la porte.  

Ainsi ses normes et règles s’intègrent à la gouvernance globale de l’institution de la même manière qu’elles protègent et régulent la gestion des carrières des agents chargés de la mise en oeuvre de la politique de suivi et évaluation, voir exemple ci-dessous. 

Politique d’évaluation du PAM
Pour aller plus loin :
ARTICLES

Normes

Standards